« Hommage à Henri Tomasi
Clelia Cafiero dirige l’Orchestre Philharmonique de Marseille
C’est toutefois Felix Mendelssohn qui a la primeur de la soirée, avec Meeresstille und glückliche Fahrt Op.27. L’Orchestre Philharmonique de Marseille dégage d’emblée une grande sérénité. Les cordes sont moelleuses et d’une idéale cohésion. La courte composition développe ensuite du volume, du brillant pour les pupitres des cuivres, la cheffe Clelia Cafiero donnant du souffle pour délivrer un final de grande ampleur.
Place à Henri Tomasi pour la suite, avec d’abord son Concerto pour trompette (1946), morceau en trois mouvements qui se révèle d’une extrême difficulté. Les soli sont nombreux et exigent virtuosité dans le jeu, ainsi que rapidité pour insérer ou retirer les sourdines. Trompettiste de la phalange marseillaise, Guillaume Fattet s’en sort avec les honneurs : il lance d’abord comme des appels à l’orchestre qui lui répond, puis développe un joli legato avec la harpe au cours du deuxième mouvement, lent, et enfin assure la virtuosité du dernier, bien plus rythmé, parfois saccadé. La musique charme agréablement l’oreille, mais elle est aussi émaillée de quelques touches de modernité au xylophone et de plusieurs cassures de rythme.
Morceau de choix de la soirée, Le silence de la mer, créé en 1963 d’après la nouvelle éponyme de Vercors (pseudonyme de l’écrivain Jean Bruller, 1902-1991), est inscrit au catalogue des œuvres lyriques du compositeur. D’une durée de trente minutes environ, cette pièce pour baryton solo et orchestre est très singulière, fort noire également puisqu’il s’agit du monologue d’un officier allemand qui, pendant l’Occupation en 1941, s’essaie sans succès au rapprochement des cultures et à la fraternité au sein d’une famille française. Marc Scoffoni n’en est pas à sa première interprétation de l’œuvre et sa voix parlée porte à l’entame, accompagnée au piano seul. L’orchestre se déploie ensuite dans une partition toujours intéressante, souvent surprenante, comme le début du deuxième mouvement où un prélude de Bach est joué, aux accents régulièrement énigmatiques ou menaçants. La voix du baryton français, bien timbrée et assurée, est sollicitée sur toute l’étendue de la tessiture et se tend par instants à pleine puissance pour essayer de faire jeu égal avec le tutti. Clelia Cafiero mène à nouveau l’ensemble à bon port, dans un opus évidemment chargé d’émotion où les silences sont lourds de signification. »
François Jestin, Anaclase