« UNE INTERVIEW DE CLELIA CAFIERO, CHEFFE D’ORCHESTRE – UNE DAME DE PIQUE » DE CHAMBRE POUR OUVRIR LA SAISON DE L’OPÉRA DE MARSEILLE
L’Opéra de Marseille devait lancer sa saison le 2 octobre avec quatre représentations de la coproduction régionale la Dame de pique de Tchaïkovski créée à Nice avant le confinement (1). L’œuvre sera bien au rendez-vous mais, crise sanitaire oblige, dans une configuration originale et, à notre connaissance, unique. Une création, en quelque sorte, pour solistes lyriques, chœur, piano et octuor (violoncelle, alto, flûte, hautbois, deux clarinettes et deux bassons), une trompette et une caisse claire venant rejoindre l’effectif au 3ème acte. C’est la pianiste et cheffe d’orchestre italienne Clelia Cafiero qui aura la lourde tâche, mais aussi l’insigne honneur, de jouer la partie réservée au clavier. Assistante, depuis plus d’un an, du maestro Lawrence Foster à l’Opéra de Marseille, la jeune femme travaille depuis plusieurs semaines déjà à mettre en place une partition « unique » pour le piano. « En juin Maestro Foster a décidé de donner une version concertante avec piano, raconte Clélia Cafiero. Après concertation avec la direction technique et l’accord du directeur de l’opéra, Maurice Xiberras, il a été décidé de positionner quelques autres instrumentistes sur scène. »
Il ne restait donc plus qu’à choisir les instruments qui rejoindraient les solistes, les choristes et le piano sur scène. La pianiste explique : « Nous avons effectué le choix après étude de la partition. En fait, il nous est apparu que cette dernière est différente des autres œuvres de Tchaïkovski. Paradoxalement, dans cet opéra au caractère très sombre, il n’y a presque jamais de grands thèmes cantabile ou legato donnés par les violons. Les violoncelles et les altos, eux, sont très présents, vibrants, quant aux clarinettes et aux bassons, ils dialoguent en permanence. » Aussi bien, il a été décidé que le piano se substituerait aux cuivres, aux percussions mais aussi aux violons « car l’instrument permet de marquer le rythme et dans cet opéra ce sont les violons qui font toujours le rythme.”
Concrètement, Clelia Cafiero a travaillé avec la conducteur pour construire l’édifice et faire en sorte que le piano se substitue à l’orchestre. « C’est une réelle difficulté, avoue la jeune femme. Il faut dialoguer avec les autres instruments, mais aussi, entre autres, il faut tenir compte du temps de résonance car si l’orchestre peut passer en une fraction de seconde d’un fortissimo à un piano, avec le clavier, c’est autre chose. Il faut le penser comme un instrument qui perd un peu sa nature. Je suis en permanence à la recherche du bon son…» Ce travail, Clelia Cafiero avoue qu’elle aurait eu du mal à le faire si elle n’était pas cheffe d’orchestre: « En fait, c’est ce qui a poussé le Maestro Foster à me confier cette tâche. Je suis confiante car je sais que le résultat final sera enrichit par la vision globale et artistique du Maestro. »
A quelques jours de la première, la pianiste est heureuse de répéter avec les autres musiciens – « comme un petit orchestre de chambre ». Un pari risqué mais qui ne manque pas d’intérêt. Pour les artistes, mais aussi pour le public qui sera appelé à apprécier l’ouvrage de Tchaïkovski dans une configuration peu commune. « C’est un vrai défi, conclut Clelia Cafiero, mais c’est une belle façon de dire que l’opéra existe en ces temps perturbés, que les artistes on l’envie de travailler et de se produire et qu’à Marseille on a envie de faire des choses… »
Michel Egéa, Concert Classic.com