« On a vu à l’Opéra de Marseille – Clelia Cafiero, la femme orchestre
Massenet, Mozart, Ravel et Respighi… Samedi soir, le programme du concert donné à l’Opéra de Marseille par l’Orchestre Philharmonique de la maison était pour le moins éclectique avec, notamment, deux pièces peu données qu’il était intéressant de découvrir : la suite « Scènes Napolitaines » de Jules Massenet et « Les Pins de Rome », un poème symphonique d’Ottorino Respighi. L’intérêt de ce concert était renforcé par la présence, à la direction musicale et au piano, pour le « Concerto en sol » de Ravel, de Clelia Cafiero, arrivée d’Italie au début de la saison pour exercer les fonctions de cheffe assistante et de pianiste de l’orchestre. La jeune femme a déjà séduit les mélomanes marseillais en se produisant en tant que soliste de l’un des deux concerts Beethoven de la fin d’année dernière puis en dirigeant les deux concerts du nouvel an du 4 janvier dernier, remplaçant au pied levé Lawrence Foster, souffrant. Samedi soir, elle a de nouveau fait l’unanimité tant chez les musiciens, souriants et visiblement heureux de jouer sous sa baguette, que dans la salle, copieusement garnie, qui a salué ce concert de longs applaudissements nourris. La direction de Clelia Cafiero est des plus intéressantes, procurant du sens et de la chair à chacune des œuvres interprétées. Le geste est ample et ferme, toujours précis ; il permet la mise en valeur des qualités de l’orchestre, à tous les pupitres, à travers l’exploitation rationnelle et intelligente de ses couleurs et de ce son qui le caractérise désormais. Alors Clelia Cafiero en profite pour apporter de grands plus à sa direction. De la générosité pour Massenet et un second mouvement, « La Procession », d’une belle intensité. De l’élégance pour Mozart, au service d’une partition donnée ici sur instruments modernes par un important effectif. Il n’en fallait pas moins pour procurer aux notes de Mozart toute leur saveur et leur subtilité. Fibre italienne oblige, la directrice musicale ajoutait l’émotion à sa direction pour ces « Pins de Rome » de Respighi, marqués par un « lento » d’anthologie et un final dont aurait pu s’inspirer Ravel pour son « Boléro » avec la mécanique répétitive d’un crescendo captivant habillé de quelques gazouillis d’oiseaux transmis par une bande son parfaitement utilisée. C’est avec le « Concerto pour piano en sol majeur » que la musique de Maurice Ravel était à l’honneur. Une performance pour Clelia Cafiero qui assurait la partie soliste tout en dirigeant l’orchestre de la main, lorsqu’elle était disponible, et du regard. Un énorme travail pour un résultat somptueux avec de l’intensité et des ambiances lumineuses, depuis les tons très jazzy du premier mouvement jusqu’au néo-classicisme émouvant de l’adagio assai et son dialogue dense entre le piano et le hautbois.L’occasion pour Clelia Cafiero, virtuose au toucher aussi sensible que précis, de démontrer que sa réputation de soliste n’est pas surfaite et que l’Opéra de Marseille a bien de la chance de pouvoir bénéficier du travail de cette femme orchestre… »
Michel Egea, DestiMed