« Vedi Napoli e poi muori », ou plutôt : « Neapel sehen und sterben », en passant de l’impératif au subjonctif et de l’italien à l’allemand, puisque c’est à Johan Wolfgang von Goethe que l’on doit cette fameuse phrase. Peut-être, mais nulle urgence, pas avant d’avoir entendu les Scènes napolitaines écrites par Jules Massenet en 1876, sixième des suites dites de féérie pour orchestre. Cet ouvrage est très rarement joué, mais  il aura permis à Clelia Cafiero, native de la capitale de la Campanie, de sublimer, samedi 11 janvier au soir, l’orchestre de l’opéra de Marseille qu’elle dirige désormais régulièrement. Qu’il s’agisse de l’œuvre lyrique ou symphonique, l’œuvre de Massenet reste largement méconnue. Espérons que ce déficit de connaissance se résorbera.

 

Ce qui suivit dans le programme proposé pour ce concert ne relevait pas à nos yeux de ce que le grand Wolfgang Amadeus écrivit de meilleur. En effet, la 31ème symphonie en ré majeur, K 297 de Mozart, créée à Paris en 1778, se laisse certes écouter, mais sans plus, nonobstant l’intérêt que l’on peut trouver à entendre des œuvres peu fréquentées par le répertoire classique. Cela dit, il se peut que notre jugement sur cette symphonie soit jugé quelque peu sévère et on notera la présence de la clarinette dans pour la première fois dans l’œuvre symphonique, cet instrument qui deviendra si important pour le compositeur.

 

La performance qui suivit nous consola largement. En effet, la fabuleuse musicienne qu’est Clelia Cafiero nous interpréta magistralement au piano le très remarquable concerto en sol majeur de Maurice Ravel, créé en 1930, tout en dirigeant l’orchestre. L’impression qu’elle donna au public par cette performance lui aura valu un triomphe mérité. Cette partition où affleure le jazz, où le travail sur les timbres est des plus subtils et où l’harmonie est travaillée aux limites du registre des instruments, aura pris ce soir-là une autre dimension. Mozart, justement, est cité par Ravel à travers le thème du quintette avec clarinette K. 581. L’effectif de l’orchestre prévu par le compositeur est relativement réduit, ce qui permet à la fois d’apprécier le travail des différents pupitres et de ne pas noyer le son du piano.

 

Le dernier morceau, moins connu, sans être pour autant ignoré des programmateurs, les Pins de Rome, est un ouvrage écrit à Rome en 1924, en hommage à sa maison (Les pins), par Ottorino Respighi. On joue fort peu l’œuvre abondante de ce compositeur né à Bologne, dont ses neuf opéras. Ce poème symphonique en quatre mouvements aura été joyeusement interprété jusqu’à son final quasi mahlérien par un orchestre de l’opéra au mieux de sa forme et qui aura réussi à illustrer la dynamique d’une œuvre très expressive.

 

La cheffe Clelia Cafiero dont nous avons déjà eu ici l’occasion sur ce blog de dire le plus grand bien respire l’intelligence et la sensibilité, avec une pointe d’humour, de quoi faire passer au public de l’opéra de délicieux moments, à en oublier la dureté des fauteuils. Lors du concert de nouvel an, dont nous avons rendu compte, elle déclara être amoureuse de Marseille. Vedere Marsiglia et poi vivere !

Jean-Pierre Bacot, Lyrica-Massilia